Nouvelles du bord
2014
22 Juin : Le détroit de Belle-ïle est ouvert à la navigation depuis le 15 juin. La glace de mer du Labrador se fragmente et libère de nombreux icebergs. Mais voilà, nous sommes toujours à Sant Pierre. A nouveau des problèmes de moteur, rien de grave, ce n'est que le filtre à eau de mer qui est très légèrement fissuré (hiver trop froid?) et de ce fait la dépression à l'intérieur du filtre ne se fait plus, le moteur n'aspire plus l'eau et donc il n'y a de refroidissement. En attendant le nouveau filtre (commandé il y a maintenant 3 semaines) le moteur est branché en direct sur l'arrivée d'eau de mer. Et maintenant c'est le chauffage du bord qui a rendu l'âme, nouveau chauffage commandé chez Binnacle à Halifax il devrait être livré le 25 juin et nous devrions enfin pouvoir partir rapidement. L'antenne combi VHF-AIS pour le transpondeur elle non plus n'a pas supporté l'hiver mais la nouvelle est arrivée dans les délais sauf qu'elle présentait une fissure sur sa coque et donc un risque d'infiltration d'eau; avant de la monter sur le support la fissure a été enduite copieusement de graisse silicone en espérant qu'elle fonctionnera pendant l'été. Rien de bien grave en soit, que de petits enquiquinements. Mais sans chauffage dans ces contrées la navigation devient vite inconfortable (entre pluie brouillard et vent glacial) et sans moteur au milieu des icebergs la température du bord risque de monter. Tout va s'arranger.
Donc normalement départ enfin prévu pour la fin de la semaine prochaine.
En attendant randonnée dans l'île, petit coup de main à Brigitte et Alain pour la mise en place d'un nouvel enrouleur sur leur Sterne III et ensuite mise au sec du dit voilier pour une grande toilette . Par contre pendant le carénage nous nous sommes lâchement absentés pour aller passer quelques jours sur l'île de Miquelon.
Et puis c'est le retour des beaux jours avec une reprise de l'activité voile et aviron sur l'archipel et toujours un peu de pêche.
Une visite de Miquelon-Langlade vaut surtout pour la découverte de sa nature. Miquelon la partie nord de l'île a une superficie de 110 km², c'est là que se trouve le port et la seule ville de l'île qui s'appelle aussi Miquelon. La population est d'un peu plus de 600 habitants. Ce sont essentiellement des descendants de marins basques et d'Acadiens arrivés ici après le grand dérangement.
Le port de Miquelon est un port d'entrée officiel avec un vrai bureau des douanes où l'on peut demander la libre pratique avant de se rendre sur Saint-Pierre. L'accostage se fait au quai en fonction de la place disponible et il n'y a pas de redevance (pour le moment). L'activité de pêche est assez réduite mais depuis quelques années il a été mis en place une coopérative de reproduction de pétoncle et de traitement du poisson. L'élevage de ces pétoncles se fait dans la grande baie de Miquelon et il faut impérativement respecter les deux bouées cardinales (une nord et une sud) pour viser l'entrée du port de Miquelon afin d'éviter de passer dans ce champ des filets de la zone de culture. La plupart des bouées sont à fleur d'eau voire submergées et se voient très mal. Par temps de brouillard ce serait jouer à la roulette russe que de vouloir passer au plus court en venant du sud. Cette usine est un des grands pourvoyeurs d'emploi (un peu plus de 30 emplois) après les services publics de la République.
Ne pas oublier de visiter l'église de Miquelon. La plus vieille église de l'archipel bien qu'elle fût reconstruite entièrement en 1865. Quelques vitraux racontent la vie miquelonaise.
Dans la ville il y a trois commerces dans lesquels on peut trouver sans difficulté les produits alimentaires de base (mais chers). Un boulanger pas très loin du port en face des services techniques de la ville. Possibilité de louer des voitures chez Girardin (rue des îles de la Madeleine) qui est aussi un grand magasin de bricolage. Sur la même route, à la sortie de la ville en allant sur le Cap Blanc, il y a une ferme avec un élevage de chèvre, une serre horticole et un magnifique potager où l'on peut acheter directement des légumes. Au bout de la route le phare du Cap Blanc mis en service le 15 juillet 1883.
Enfin un petit aérodrome jouxte la ville et une liason aérienne est assurée seulement avec Saint-Pierre.
Langlade d'une superficie de 90km² ne comporte aucune ville si ce n'est quelques maisons situées à l'anse du gouvernement avec une belle et grande plage de sable blond. Langlade n'est qu'un lieu de villégiature des Saint Pierrais et uniquement l'été. Ces deux îles sont reliées par un isthme de sable qui s'est définitivement fermé à la fin du XVIIIème siècle. Il est issu de remaniements survenus il y a 10000 ans à la fin de la dernière période glaciaire. Le matériel déposé par le retrait des moraines a été suffisant pour favoriser l'émergence d'une bande de terre qui s'est ensuite ensablée (certains prétendent que cet ensablement a été favorisé par les nombreux bateaux échoués le long de ces côtes inhospitalières).
Cet isthme renferme dans sa partie nord une lagune salée le Grand Barachois à la riche diversité biologique. Ici au grand barachois on croise phoques communs et phoques gris, des sternes bien sûr, des bécasseaux et des pluviers, des courlis et autres Grand Chevalier, sans oublier les goélands. De l'automne au printemps de nombreux canards de diverses variétés parcourent la lagune. On peut observer des Canards pilets, des Canards noirs, des Harles huppés. Un observatoire a été installé à la Pointe aux Barges, c'est là que la lagune communique avec l'océan par un goulet étroit entouré de plages de sable fin où se prélassent les phoques en famille.
Tout au sud il faut avoir le temps de parcourir le chemin qui mène à Pointe Plate, chemin qui traverse la forêt boréale et se termine au phare de Pointe Plate automatisé depuis 1968.
Une autre belle randonnée à faire au nord de l'île. Le parcours part de l'étang du lac et se dirige vers le Cap du nid à l'Aigle. Cette balade traverse des paysages typiques de l'île : pelouses subarctiques, tourbières, résineux, falaises maritimes. Vous aurez aussi toutes les chances de croiser des cerfs de Virginie introduits dans l'île à des fins cynégénétiques en 1953. Plus difficile à apercevoir est le Pygargue à tête blanche.
L'île de Miquelon-Langlade mérite vraiment un détour par sa nature préservée.
Enfin si vous pouvez croiser près du Grand Colombier, voire même y débarquer mais c'est extrêmement difficile, vous pourrez admirer Océanites à cul-blanc, macareux moine, guillemots, pingouins torda, mouettes tridactyles. C'est un gros caillou escarpé et inhabité mais un lieu de nidification et de reproduction pour les oiseaux marins.
Phoque gris
Goéland à bec cerclé
Bruand chanteur
Papillon queue-courte
Jaseur des cèdres
Bernache du Canada en famille
Alouette Hausse Col
Cerf de Virginie
Paruline jaune (mâle)
Mésange à tête brune
Mouette arctique
Pygargue à tête blanche
Sterne
Macareux moine
6 juillet : Départ, enfin, de Saint-Pierre le 30 juin vers Fortune pour notre entrée au Canada, après bien des avaries successives réparées avec un certain délai du fait de l'isolement de SPM. Le filtre à eau de mer n'étant toujours pas arrivé, nous avons téléphoné à Volvo et un mécanicien nous a précisé que des tas de moteurs étaient installés sans filtre sans que cela ne pose de problème particulier, nous partons donc avec un branchement direct sur la vanne d'entrée d'eau moteur. Le nouveau chauffage a été installé, pour cela il a fallu lui trouver un nouvel emplacement et donc redistribuer un certain nombres d'objets dans les coffres de Noème.
A Fortune formalités effectuées rapidement. Le lendemain départ vers Raméa une île à 70 milles dans l'ouest de Fortune. Une belle navigation pour ce début de croisière. Dans la soirée visite de cette petite île bien jolie et coquette. Mais le temps étant gris et brumeux pas de photos, elles sont remises à demain. Le lendemain matin sur le pont traînait, près de la trinquette, un petit bout de plastique noir et ce petit bout de plastique avait une furieuse ressemblance avec les paliers que l'on installe dans les tubes d'enrouleurs en deux demi-coques autour de l'étai. Un coup d'oeil rapide avec les jumelles vers le haut de l'enrouleur pour s'apercevoir que le bouchon tournait librement autour de l'étai et qu'une demi-coque s'était échappée. Pour commencer cette nouvelle matinée petit voyage en tête du mât et effectivement le bouchon était sorti de son logement. Pourquoi? Pas d'explication mais le plus gros problème était que l'autre demi palier se retrouvait coincé dans le tube. Après quelques efforts il daigna gagner la sortie. Mise en place d'un nouveau palier, heureusement que nous en avions d'avance. Du coup nous sommes partis de Raméa sans avoir fait de photos et c'est bien dommage.
Navigation vers le Cap Ray qui marque la fin de Terre-Neuve à l'ouest et remontée vers le détroit de Belle-Ile. Nuit agitée voire même très agitée avec 30 noeuds de vent et rafales mais de SO, au portant ça passe et le pilote contrôle bien le bateau malgré une mer creuse à 2.5 m. En début d'après-midi devant l'entrée du fjord qui mène à Corner Brook la seconde ville de Terre-Neuve les vents catabatiques se déchaînent, la mer est soufflée, aplatie. L'entrée par vent de SO est franchement délicate avec le toumentin à poste. Nous rentrons dans la marmite du Diable. L'escale était prévue à Lark Harbor à l'entrée du fjord mais impossible d'envisager d'aller se mettre à quai avec un tel vent tempétueux. Direction le sud du fjord vers le port de Corner Brook. 6 miles plus loin nous passons devant Frenchman's Cove, il y a là un quai public mais le vent toujours aussi violent nous incite à continuer malgré tout vers Corner Brook à encore 12 milles. Le fjord s'incurve et brusquement le vent tombe, quel plaisir. Mais derrière rien n'a changé la mer est toujours en ébullitton. Aux quais de Corner Brook aucune facilité, ils ne sont pas adaptés aux bateaux de plaisance même si un panneau annonce "Bienvenue à Corner Brook, Marina", pour les cargos peut-être! Mais où donc passer la nuit? Aller hop retour sur Frenchman's Cove. Le port est tout petit mais un bateau de pêche en mal de vieillesse, qui ronge ses amarres au quai sans espoir de reprendre un jour la mer, nous accueille pour la nuit le long de son bordé rouillé.
Au petit matin, sur le quai, à la recherche d'une connexion internet pour avoir la météo, des pêcheurs de homard lancent un grand bonjour et avec forces signes de la main nous demandent de les rejoindre. Ils ne doivent pas voir souvent de voilier venir passer la nuit dans ce port et sont curieux de renseignements. Finalement ce sont eux qui nous donneront la météo pour la prochaine étape.
De Frenchman's Cove à Port au Choix (plus de 100 milles): temps calme au départ (vers 11h30) puis le vent s'établit de SO à 15/20 noeuds, tout va bien à bord, la vitesse de croisière est de plus de 9 noeuds. Petit à petit le mer se creuse le vent forci et une fois de plus la mer devient de nouveau désagréable, déferle, croisée par réflexion sur les falaises. Le vent passe à 25 noeuds et la mer en rajoute un peu. La pluie dans l'après-midi se met de la partie, au moment où l'éclaircie arrive, deux heures plus tard, la brume la remplace (sans que le vent ne faiblisse pour autant). Vous savez le genre de brume si dense que lorsque l'on y enfonce un doigt on y laisse son empreinte. Quelques heures plus tard, en vue (façon de s'exprimer) de Port au Choix réduction de la voilure et surtout recherche de la bouée d'aterrissage, quelques ronds dans l'eau afin d'attendre une meilleur visibilité. La notion des distances dans ces conditions de mer est quelque peu perturbée, le temps d'approche du halo lumineux rouge clignotant et salvateur de cette bouée paraîtra bien long. Une demi-heure plus tard, après être accrochés visuellement à la bouée, des étoiles apparaissent brusquement dans le ciel : il est trois heures du matin et la brume s'est levée. A embouquer le chenal d'accès, peu large, entre une île et la terre il faut se rendre à l'évidence la brume est de retour, l'aligement d'entrée au 222° est totalement invisible et les bouées du chenal se révèlent, fantomatiques, à les toucher. Quelle fin de nuit. Impossible d'apercevoir le moindre quai qui pourtant habituellement sont toujours éclairés, la visibilité n'excède pas trente mètres. A tâtons nous cherchons les quais, accompagnés par de surprenants criailllements de sternes. Un halo lumineux perce la brume, c'est le quai de l'usine de traitement du poisson. A le longer les autres quais se repèrent rapidement. Un ponton miséricordieux nous tend ses taquets d'amarrage. Fin de cette navigation.
Port au Choix, petite ville de 1000 habitants tournée essentiellement vers l'activité de pêche (et il y a de drôles de bateaux), ne présente pas beaucoup d'intérêt mais son port est un bon havre et les Terre-Neuviens toujours aussi serviables. Alors que nous étions partis avec nos jerrycans à la station service pour un complément de gazole plusieurs personnes se sont proposées pour nous accompagner en voiture. Quasi mpossible de trouver des piétons dans les rues. La voiture est reine et on se fait la conversation de voiture à voiture c'est dire.
Aujourd'hui trente noeuds de sud-ouest, et de la pluie, idem pour demain. Départ pour l'Anse aux Meadows, plus exactement Quirpon, pour visiter le premier lieu de peuplement vikings en Amérique du Nord vers l'an 1000.