Nouvelles du bord
2014
21 juillet : Départ pour le sud. Temps splendide et clair. Environ 55 milles à parcourir avant d'arriver au mouillage prévu : Tigssalukhavn (61°22'N 48°55'W). Deux heures après le départ le brouillard commence à se former tout doucement par de fins nuages filandreux qui flottent dans l'air. Puis ils s'épaississent de plus en plus au point que la visibilité se réduit toujours plus. Et brusquement un brouillard à couper au coteau avec une visibilité réduite à 30/40 mètres. Rien que bien banal certes mais il y a tellement d'icebergs et de growlers que la veille va être difficile. Le radar permet de visualiser la quasi totalité des morceaux de glace flottants mais il y a quelques fourbes qui ne se laissent pas deviner au radar et seraient prêts à partir à l'assaut de la coque. Une veille au radar est indispensable et une veille dehors permet de repérer les fourbes. Ainsi se passera la journée à surveiller de manière attentive les glaces. A la toute proximité du mouillage la brume se lève provisoirement. Dix minutes après avoir mouillé la brume se referme. Le mouillage est étroit mais bien protégé, le fond de vase.
22 juillet : Des bancs de brume et derrière, un soleil qui éclaire de ses premiers rayons un cadre magnifique. Nous pouvons voir quelques oiseaux que jusque là nous n'avions qu'entendu. L'ancre remontée nous quittons notre petit havre, direction la route intérieure. Il y aura moins d'icebergs mais la route n'en sera pas exempte. Bien sûr ce ne sera que du moteur mais le paysage est grandiose, impressionnant dans ses dimensions et comme la brume ce matin a disparu, il se laisse contempler, cela fait oublier la pollution sonore du moteur. Trajet magnifique, le village coloré d'Arsuk se découpe sur la côte au pied d'une majestueuse montagne. C'est beau tout simplement. Ce petit village tourné vers la pêche possède une petite auberge même si le tourisme y est peu développé.Tard dans la soirée nous essayons de trouver un bon mouillage pour passer la nuit. Difficile de trouver. Deux d'entre-eux situés en face de petites communautés installées dans de tout petits villages colorés et entourés de nombreuses antennes diverses étaient envahis par les glaces. D'autres n'étaient pas conformes aux cartes en dimension et surtout en profondeur. Les cartes (y compris électroniques) ne sont pas d'une précision extrême, alors toujours redoubler de précaution et activer son sens crtitique au mieux pour ne pas faire de bêtises car ici vous êtes tout seul, c'est le grand vide, on ne peut que compter sur soi.
Enfin presque puisque le Groenland a mis au point un réseau de surveillance le Mandatory Ship Reporting Systems. En naviguant dans les eaux côtières il faut appeler Assiat Radio se faire connaitre et donner un plan de navigation. Puis toutes les 24 heures préciser sa position , le nom du bateau et son signal d'appel, la date et l'heure, la position (coordonées du mouillage ou nom du lieu), la direction et la vitesse et le nombre de personnes à bord.. Toute modification de parcours doit être impérativement signalée. Dès l'arrivée à destination appeler et préciser nom du bateau et signal d'appel, date et heure, la position ou le nom du lieu d'arrêt. Lorsque l'on quitte les eaux côtières du pays non seulement il faut appeler pour signaler que l'on part du Groenland mais aussi, toutes les 6 heures, appeler Assiat Radio en spécifiant nom du bateau et signal d'appel, date et heure, la position au moment de l'appel, la destination et l'heure d'arrivée prévue, la route et le nombre de personnes à bord et cela tant que le bateau est dans la zone de contrôle du Groenland.
Cela peut être considéré comme une corvée mais cela reste un élément de sécurité très important dans ce pays immense sans infrastructures et très peu peuplé où le moindre pépin peut très vite se transformer en catastrophe. Se dire que l'on peut avoir de l'aide en cas de besoin est rassurant.
Donc comme les mouillages n'offraient pas les critères que nous attendions nous avons continué la route toute la nuit pour finalement arriver au petit matin à Qaqortoq. A l'entrée du port il y a un ponton où l'on peut s'amarrer mais bien évidemment pas de places, toutes prises par des locaux. Nous nous sommes amarrés au quai, une nuée de moustiques voraces tournoyant autour de nous nous obligeant à nous enduire de répulsif avant d'avoir pu finir d'amarrer le bateau.
23 juillet : Dès l'ouverture des bureaux nous étions à la capitainerie pour savoir où nous pourrions nous amarrer sans gêner. Dialogue difficile avec un commandant du port qui parlait plus le groenlandais que l'anglais, heureusement qu'un jeune Groenlandais, employé du port, passait par là. Grâce à lui nous avons pu communiquer avec le responsable du port qui nous a attribué une bonne place où nous avons pu rester le temps de notre séjour.
Notre vision du monde pendant 12 heures. Autant de points blancs que d'icebergs
Qaqortoq : La Blanche. Capitale du Sud Groenlandais, un peu plus de 3000 habitants. Elle a le privilège d'être, pour beaucoup, la plus jolie ville du pays. Très active : centre touristique important, ville étudiante, grosse activité de tannerie (essentiellement des peaux de phoques adultes), pêche, élevage de mouton. Elle joue un rôle économique et politique majeur au Groenland.
On admet que Qaqortoq fut fondée en 1775 par Ander Olsen même si un certain Hans Edge y débarqua en 1721 à la recherche de traces du passage des Vikings. La recherche de traces de leurs ancêtres, c'est pour cela que les Danois établirent une colonie en ce lieu bien que la baie soit très souvent envahie par les glaces et de ce fait peu propice au commerce des marchandises.
Au marché il est possible de voir les chasseurs et pêcheurs locaux vendre le fruit de leur activité. Divers types de poissons, du phoque (souvent dépecé sur place) voire de la baleine.
La ville a la particularité de posséder une fontaine, la seule du Groenland. Construite vers les années 1930 elle est située au coeur d'un vieux quartier très agréable. Non loin le musée, installé dans une ancienne forgerie, raconte la vie difficile des premiers colons (danois) et présente aussi une belle collection d'outils et d'armes inuits. A quelques lieux de là, en léger contrebas , se dresse la vieille église édifiée en 1832 à partir de pièces fabiquées au Danemark. Enfin la bibliothèque très agréable, installée dans une ancienne maison d'habitation bien conservée, propose une connexion internet gratuite (alors que celle proposée à l'office du tourisme est hors de prix pour ne pas dire une petite arnaque au touriste) et la bibliothécaire serviable.
A noter une blanchisserie située sur les hauteurs de la ville, bien utile après quelques jours de mer.
25 juillet : Prochaine destination Nanortalik ou Le Lieu aux Ours. Etape de 65 mn depuis Qaqortoq par les chenaux intérieurs et un spectacle toujours aussi époustouflant, les montagnes hérissées de pics granitiques acérés partent à l'assaut des nuages qui, fouettés par le vent, défilent rapidement de peur de rester accrochés aux pics. La couleur sombre de la montagne rajoute au côté oppressant du paysage. De plus de nombreux icebergs parsèment la route, parfois obligent à des détours pour passer entre les îles et îlots. Mais quel paysage. Au quai nous nous mettrons à couple d'un bateu à moteur battant pavillon américain : "Eygret". Un couple, d'un certain âge, tourne autour du monde depuis treizes ans maintenant avec ce bateau. Lors de cette rencontre il regagnait le Canada.
Cette région du Groenland est depuis longtemps habitée par les Inuits qui autrefois vivaient de la chasse du phoque. Puis les Viking vinrent s'y installer pour plusieurs siècles dans ces vallées verdoyantes. Ville moderne, située au sud du Groenland, elle fut d'abord un comptoir permanent établi en 1797 par les Danois pour le commerce des peaux et de la graisse de baleine. La région déjà bien peuplée attira encore plus de population du fait des échanges commerciaux et surtout de la spécificité des marchandises que les Danois offraient en échange des peaux. Actuellement la ville est devenue un important port de pêche.
Il est très interressant de parcourir les rues de la ville. De vieilles maisons ont été parfaitement restaurées et un descriptif apposé sur un des murs permet d'avoir une idée de la fonction de chaque bâtiment. Il y a même, un peu en retrait de l'ancienne ville coloniale, une maison groenlandaise traditionnelle typique mi-enterrée, recouverte de tourbe. Cela donne une bonne idée des conditions rustiques dans lesquelles les habitants vivaient autrefois.
Ne pas manquer le musée, très riche en collection d'objets traditionnels tournés vers la chasse et la pêche.